Bruno Debien
29/02/2024
Comprendre le fonctionnement de la Salle de Surveillance Post-Interventionnelle (SSPI) - l'ex salle de réveil
Qu’est-ce que la Salle de Surveillance Post-Interventionnelle ou SSPI ?
La finalité d’une SSPI est d’assurer la sécurité des patients au sortir d’une anesthésie réalisée par un anesthésiste réanimateur pour un acte chirurgical, interventionnel ou diagnostique.
Ceci implique de contrôler les effets résiduels des médicaments anesthésiques et leur élimination et de faire face aux complications éventuelles liées à l’intervention ou à l’anesthésie.
L’évolution de la réglementation des SSPI au fil des ans…
Les soins post-anesthésiques ont toujours été une préoccupation des professionnels de l’anesthésie-réanimation.
Anciennement appelée « salle de réveil », sa première implantation daterait de 1873 au Massachussetts General Hospital (1) …
En France, à la suite de « l’affaire Farçat », la circulaire n° 394 publiée le 30 Avril 1974 définit pour la première fois les contours organisationnels des salles de réveil : situation géographique, ratio place de réveil/salle d’opération, médecin joignable qui doit pouvoir intervenir à tout moment.
La circulaire n°340 GDS/POS3 du 23 Mars 1982 définit clairement que seul le médecin anesthésiste est responsable de l’anesthésie.
La circulaire n°431/4 B DGS 3 A du 27 Juin 1985 précise que la salle de réveil doit être un lieu spécifique avec les équipements de surveillance appropriés, située à proximité du bloc opératoire. La thématique des ressources humaines est également abordée avec la notion de la présence d’au moins une infirmière aide-anesthésiste et un ratio d’un agent pour trois malades présents, personnels placés sous la responsabilité du médecin anesthésiste.
La Société Française d’Anesthésie Réanimation (SFAR) a publié des recommandations de bonnes pratiques en 2000 incluant le rôle précis d'un médecin anesthésiste réanimateur après une intervention. Ces recommandations ont influencé le futur cadre réglementaire.
Elles reprennent les circulaires précédentes et portent essentiellement sur :
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le personnel sous la responsabilité du médecin anesthésiste,
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la structure : surface minimale de 10 à 12 m2,
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le ratio poste de surveillance / site d’anesthésie à 1,5
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les équipements : moniteur multiparamétrique, etc.
Le rapport du haut conseil de la santé publique sur la sécurité anesthésique de novembre 1993 est l’élément fondateur du cadre réglementaire actuel qui régit la pratique de l’anesthésie : le décret n°94-1050 du 5 décembre 1994 relatif aux conditions techniques de fonctionnement des établissements de santé en ce qui concerne la pratique de l’anesthésie. Ce décret précise notamment les conditions de fonctionnement d’une salle de surveillance post-interventionnelle : ces éléments sont opposables et doivent être impérativement mis en œuvre par les établissements de santé.
La surveillance en SSPI
On peut retenir quelques fondamentaux importants :
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Située à proximité du ou des sites où sont pratiquées les anesthésies
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Dotée de dispositifs médicaux pour chaque poste de surveillance installé
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Ouverte en cohérence avec les programmations des interventions…
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Avec au minimum quatre postes de surveillance…
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Dotée au moins d’une infirmière formée à ce type de surveillance pour 5 patients.
L’arrêté du 3 octobre 1995 relatif aux modalités d’utilisation et de contrôle des matériels et dispositifs médicaux assurant les fonctions et actes cités dans le décret du 5 décembre précise qu’ils doivent faire l’objet d’une vérification de leur bon état et de leur bon fonctionnement avant utilisation sur les patients. Cette disposition s’applique également à la SSPI. Cet arrêté prévoit également que ces vérifications doivent être tracées sur un registre contresigné par un médecin anesthésiste-réanimateur.
Les recommandations pour la pratique professionnelle (RPP) de l’anesthésie pédiatrique publié en 2023 par la SFAR « suggèrent d’identifier un secteur pédiatrique en SSPI afin de regrouper le personnel et le matériel spécifiques à la prise en charge de l’enfant, ainsi que de permettre à un accompagnant d’être présent, afin d’assurer la qualité et la sécurité du réveil » (2).
Les points d’attention à mettre en œuvre :
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Le matériel de la SSPI doit être identique à celui de la salle d’opération (médicament, matériel médical, monitorage…),
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Ce matériel doit être adapté à l’âge des enfants pris en charge,
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Un anesthésiste-réanimateur formé à l’activité pédiatrique doit être immédiatement disponible pour la prise en charge de complications post-anesthésiques.
La surveillance post-interventionnelle en pratique et l'intervention du médecin anesthésiste réanimateur et de l’infirmier en salle de réveil
La surverillance débute dès la fin de l’intervention et pendant le transfert du patient vers la SSPI (article D 6124-97 du Code de la Santé Publique). Cette surveillance continue, pendant le transfert, est généralement assurée par le Médecin Anesthésiste-Réanimateur (MAR) ou l’Infirmier Anesthésiste Diplômée d’État (IADE) - IDE, ou les deux…
Après avoir installé le malade au poste de surveillance, la SFAR recommande une transmission orale et écrite à l’arrivée en SSPI entre le professionnel d’anesthésie chargé du transfert et l’équipe médico-soignante de SSPI.
Il convient de définir en équipe les éléments à transmettre : anesthésie réalisée et médicaments utilisés, l’acte chirurgical effectué avec les difficultés potentielles rencontrées, les soins spécifiques préconisés par le chirurgien et le MAR…
Les objectifs d’une surveillance en SSPI sont multiples :
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Maintenir les grandes fonctions vitales (respiratoire – cardio-vasculaire – neurologique)
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Prévenir, détecter et traiter toutes complications anesthésiques et post-interventionnelles
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Évaluer et prendre en charge la douleur aiguë post-opératoire.
Le patient en SSPI
Le patient en sspi doit donc bénéficier d’une surveillance clinique et paraclinique constante et adaptée aux actes réalisés par des professionnels de santé dans une salle de surveillance post interventionnelle :
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Surveillance respiratoire : extubation, contrôle clinique (fréquence respiratoire, amplitude et symétrie des mouvements thoraciques) et paraclinique (oxymétrie de pouls, courbe de capnographie, etc.).
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Surveillance cardio-circulatoire : fréquence cardiaque, pression artérielle, tracé électrocardiographique.
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Surveillance neurologique liée à la technique d’anesthésie réalisée : anesthésie générale (AG) et/ou anesthésie loco-régionale (ALR) :
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Anesthésie générale : récupération de la conscience, du tonus musculaire, élimination des produits anesthésiques…
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Anesthésie loco-régionale : disparition des « blocs moteur et sensitif ».
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Surveillance digestive : présence de nausées, vomissements, transit ? Aspiration digestive ou traitement antiémétique éventuels.
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Surveillance rénale : diurèse spontanée ou sur sonde.
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Surveillance des accès vasculaires : surveillance des points de ponction, débit et nature des perfusions
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Surveillance de la zone opératoire : pansements et drains
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Surveillance de la température : hypothermie ou frissons traités par réchauffement externe…
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Surveillance et traitement de la douleur
Ces éléments de surveillance sont à renouveler selon une fréquence déterminée par le MAR ou dans le cadre d’une procédure de soins déterminée par la structure de soins.
Les informations recueillies lors de la surveillance du patient doivent être transcrites dans un document classé dans le dossier médical du patient conformément à l’article D 6124-102 du Code de la Santé Publique, de même, les consignes à donner aux équipes des différents secteurs d’hospitalisation.
Sortie de SSPI validée
La sortie de la SSPI est une décision médicale comme le prévoit le cadre réglementaire et plus précisément l’article D 6124-101 du Code de la Santé Publique. Pour des modalités pratiques de gestion des flux de patients dans ce secteur, la SFAR prévoit que cette décision peut être prise après réalisation d’un score de sortie de SSPI validé (procédure de service validée et régulièrement mise à jour, score tracé dans le dossier du malade).
Les points de vigilance pour des prises en charge sécurisées
L'anesthésie
La pratique de l’anesthésie est encadrée par la loi depuis 1994, et les professionnels spécialisés en anesthésie ont toujours eu comme préoccupation la sécurité des patients objectivée par les différents travaux de la SFAR. Cette démarche proactive a permis de diviser par 10 la mortalité directement liée à l’anesthésie. Il reste néanmoins des zones de vulnérabilités qu’il convient de connaître pour mieux prévenir les risques médicaux induits.
Le contrôle des équipements et matériels de la SSPI :
La SSPI doit bénéficier d’un contrôle rigoureux des différents équipements et matériels présents. On peut citer entre autres :
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Poste de surveillance : moniteur, système d’aspiration, matériel d’oxygénothérapie, réchauffeur et consommables
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Respirateur
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Défibrillateur
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Chariot et lots d’urgence (intubation difficile, choc anaphylactique, etc.) doivent être préparés sous la direction d’un médecin pour permettre d'intervenir à tout moment.
Les interruptions de tâches (IT) : la Haute Autorité de Santé a publié un guide sur les interruptions de tâches lors des activités anesthésiques au bloc opératoire et en salle de surveillance post-interventionnelle, validé par le Collège le 18 mars 2020 (3). Dans son focus sur l’IT en SSPI, le guide identifie « 4 temps patients » à sanctuariser en fonction des organisations :
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La transmission des informations au sujet du patient et du déroulé de l’intervention est le pilier d’une prise en charge sécurisée en SSPI. La perte d’informations est le risque principal. Il convient pour ce faire d’organiser l’accueil du patient à sa sortie de salle d’opération (SOP)… le transfert du patient annoncé préalablement par l’équipe de SOP doit être validé par l’équipe de SSPI pour s’assurer de la disponibilité de ces derniers, et ainsi créer les conditions idéales d’une installation du patient avec des professionnels disponibles, et un temps de transmission privilégiée.
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La préparation et l’administration des médicaments sont des activités à forte vulnérabilité : ces moments doivent être aussi « protégés » pour une sécurité des sons optimale (ne pas déranger le soignant sauf urgence vitale, demander avant d’interrompre, aide à la reprise de la tâche après interruption, etc.)
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Réveil : la prise en charge d’un patient en phase de réveil ne tolère aucune IT, car c’est une période à haut risque de l’anesthésie.
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Sortie du patient : le calcul du score de sortie mérite une attention soutenue par un médecin pour valider la décision d’un retour du patient dans le service de soins en toute sécurité.
Le dimensionnement de l’équipe soignante en SSPI : la charge de travail représente un point de vigilance important. La nature des interventions, le type d’anesthésie pratiquée et le flux des patients doivent être pris en compte en fonction des créneaux horaires. La période du déjeuner représente une zone de vulnérabilité importante car le flux des patients y est important.
Emergensim et SSPI
Compte tenu de :
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la complexité des tâches à réaliser
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du caractère non exceptionnel de la survenue de situations critiques
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et du fait que s’y croisent des soignants de spécialités et de métiers différents (personnel médical et non médical),
Emergensim propose des entraînements au travail en équipe en simulation haute fidélité in situ.
Références bibliographiques :